Successions, legs, donations: faut-il réformer la fiscalité ?

Publié le 05/01/2017 10:40
Mis à jour le 05/01/2017 10:46
Une étude de notaire le 3 novembre 2011 à Lille (Photo PHILIPPE HUGUEN. AFP)

Une étude de notaire le 3 novembre 2011 à Lille (Photo PHILIPPE HUGUEN. AFP)

Trop complexe, coûteuse et surtout pas assez redistributive: la fiscalité des successions est jugée inadaptée par nombre d'économistes, qui appellent à modifier les règles du jeu pour renforcer l'égalité des chances et l'accès des jeunes générations au patrimoine.

Quel taux d'imposition, pour quels héritages? "La fiscalité en matière de successions et de donations est appelée à devenir un enjeu majeur pour la société française", souligne dans une "note d'analyse" l'organisme de réflexion France Stratégie, rattaché au Premier ministre.

En cause: l'évolution démographique, qui devrait entraîner une hausse significative des transmissions avec les décès des générations du baby-boom. Mais aussi la hausse des inégalités, le patrimoine s'étant concentré ces 20 dernières années "entre les mains des plus aisés".

Selon l'Insee, les ménages vivant en France détenaient en moyenne 248.000 euros de patrimoine brut en 2015. Mais 47% de ce patrimoine était détenu par les 10% de ménages les mieux dotés, quand les 10% les plus modestes n'en détenaient que 0,07%.

Un phénomène qui doit beaucoup aux héritages et autres donations, passés de 60 milliards à 250 milliards d'euros depuis 1980: ces derniers représentent 19% du revenu des ménages contre 8% voilà 35 ans... et pourraient peser pour un quart des revenus en 2050.

"Dans un contexte de croissance économique ralentie, ce mouvement risque d'accentuer la reproduction sociale, puisque les destins individuels dépendront moins de la trajectoire des revenus individuels", prévient France Stratégie, qui s'inquiète d'une fin de la "méritocratie".

Le système actuel, dont les principes ont été en grande partie fixés il y a plus de deux siècles, prévoit des barèmes d'imposition augmentant progressivement en fonction de la somme héritée, avec des tranches maximales allant jusqu'à 45% voire 60% selon le degré de parenté.

Mais "l'affichage ne correspond pas à la réalité", rappelle Antoine Bozio, directeur de l'Institut des politiques publiques (IPP), qui assure que "95% des successions ne sont pas taxées".

Un système d'abattement a ainsi été mis en place pour faire sortir certaines transmissions de la base taxable. Les donations et legs à ses enfants sont ainsi exonérés d'impôts en dessous de 100.000 euros, quand les héritages d'assurance-vie sont taxés, eux, selon un barème spécifique.

"Les taux officiels sont des taux de façade. En réalité, il y a de nombreuses stratégies pour réduire ses impôts", explique Jonathan Goupille, de l'Ecole d'économie de Paris, qui insiste sur l'existence de "multiples niches et dispositifs d'exonérations".

- "Société à deux vitesses" -

Pour l'Etat, mais aussi pour les particuliers, l'enjeu est de taille. Chaque année, 720.000 successions sont en effet ouvertes en France et plus de 550.000 donations sont effectuées. "Le problème, c'est que les exonérations bénéficient surtout aux ménages les mieux informés", souligne Antoine Bozio.

Le système, en outre, n'incite pas à la transmission vers les jeunes, l'abattement étant identique pour les successions et les donations. "Il n'y a aucun intérêt fiscal à transmettre de son vivant", souligne ainsi France Stratégie.

Pour éviter l'apparition d'une "société à deux vitesses", où le patrimoine serait "hérité à un âge avancé par une petite partie de la population", l'institut dirigé par Jean Pisany-Ferry propose plusieurs pistes de réformes, destinées à simplifier un système jugé "complexe".

Parmi elles: une modification des règles d'abattement, ou bien la mise en place d'un système construit du point de vue des héritiers, avec un taux d'imposition calculé en fonction du patrimoine global hérité par les individus au cours de leur vie, et non en fonction de l'héritage perçu à chaque décès.

Dans ce schéma, mis en oeuvre en Irlande depuis 1976, le taux de taxation augmenterait en fonction du montant de patrimoine hérité, pour "inciter les détenteurs de patrimoine à disperser leur héritage", en donnant aux personnes "ayant peu hérité", souligne France Stratégie.

Modification des paramètres ou bien remise à plat du système: quel que soit le modèle retenu, la réforme devra "favoriser la transmission du patrimoine aux jeunes", insiste pour sa part Jonathan Goupille. Une façon de réduire les inégalités, mais aussi de stimuler l'activité, en favorisant l'achat de résidences principales ou la création d'entreprises.

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